Décryptage des accords du gouvernement Arizona: quelles conséquences pour les personnes étrangères?

Depuis la formation du nouveau gouvernement dit «Arizona» (MR – Les Engagés – NVA – VOORUIT - CDNV), une déclaration d’intentions a été rendue publique. Derrière les mots lisses et les slogans politiques, se cachent des décisions qui pourraient avoir de lourdes conséquences, notamment pour les personnes étrangères vivant en Belgique.

Que dit cet accord?

L’accord du gouvernement «Arizona» parle de «maîtriser les flux migratoires», de «conditionner les aides sociales» ou encore de «lutter contre l’immigration illégale». Ces mots, répétés dans de nombreux discours politiques, sont souvent utilisés pour justifier des politiques plus dures et plus restrictives à l’encontre des personnes migrantes.

Voici ce que cela signifie concrètement:

  • Des conditions plus strictes pour obtenir ou garder un titre de séjour.
  • Un lien renforcé entre séjour et intégration: par exemple, des obligations de suivre des parcours d’intégration sous peine de sanctions.
  • Des expulsions facilitées, même pour des personnes installées depuis longtemps.
  • Un renforcement des contrôles, souvent au détriment des droits fondamentaux.

Ce que cela implique pour les personnes étrangères?

Photo de Myznik Egor sur Unsplash
Photo de Myznik Egor sur Unsplash

Le CRI CIMB Wapi a récemment organisé une séance d’information, en collaboration avec le CIRÉ, pour décrypter l’accord de gouvernement dit Arizona et ses conséquences sur les politiques migratoires. Voici ce qu’il faut retenir.

Un accord très précis… mais inquiétant

L’accord Arizona n’est qu’un document d’intentions, mais il se distingue par sa précision et son ton répressif. Porté par la N-VA, il s’inscrit dans une logique de stigmatisation des personnes migrantes. Selon le Ciré, cet accord risque de précariser encore plus les personnes étrangères et de diviser la population sur la question migratoire.

Asile et accueil: des mesures restrictives

  • Réduction des places d’accueil: alors que le système est déjà saturé, le gouvernement veut encore réduire les capacités, et mettre fin aux logements gérés par les CPAS.
  • Procédures accélérées («fast track»): pour les pays jugés « peu sûrs », les délais de recours seront réduits.
  • Moins de protections pour les enfants: il ne sera plus possible d’introduire une nouvelle demande d’asile en cas de risque spécifique (excision, enrôlement…).
  • Fouille numérique: les demandeurs devront donner accès à leurs téléphones et réseaux sociaux. Un refus pourrait rendre leur demande irrecevable.
  • Moins de statuts de réfugié: le gouvernement veut privilégier des statuts plus précaires, comme la protection subsidiaire.
  • Surveillance accrue: des contrôles réguliers pour retirer le statut de réfugié à ceux qui, par exemple, retournent dans leur pays d’origine.

Étudiants étrangers: des conditions plus dures

  • Migration suspendue pour les pays jugés à risque de fraude.
  • Caution revue : une garantie financière pourrait être imposée et restituée uniquement si l’étudiant retourne chez lui.

Nationalité: plus chère, plus compliquée

  • Le prix de la demande de nationalité passerait de 150€ à 1 000€.
  • Niveau de langue élevé requis (B1), avec test de citoyenneté à la clé.
  • Pas de nationalité en cas de dettes fiscales ou d’antécédents liés à l’ordre public.

Intégration et aide sociale: un parcours semé d’obstacles

  • Déclaration d’engagement obligatoire à signer pour les primo-arrivant·es (égalité hommes-femmes, neutralité…).
  • Aucune aide sociale pendant 5 ans, sauf exception médicale. Même les réfugié·es ou les étudiant·es pourraient être touché·es.
  • Un système de bonus-malus évaluera les efforts d’intégration pour accorder une aide sociale minimale.

Regroupement familial: restrictions à venir

Bien que le détail ne soit pas encore connu, le gouvernement prévoit de durcir l’accès au regroupement familial.

En résumé, l’accord Arizona s’inscrit dans une vision très sécuritaire et restrictive de la migration, au détriment des droits fondamentaux des personnes migrantes. Pour le Ciré, il s’agit d’une stratégie politique qui utilise l’asile et la migration comme un outil de communication, au risque d’aggraver la précarité et l’exclusion.

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Nos missions dans ce climat?

En tant que Centre régional d’intégration, notre action s’inscrit dans un cadre décrétal clair: accueillir, accompagner, soutenir l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère, mais aussi coordonner les dynamiques locales, former les acteurs de terrain, récolter des données et encourager la participation de toutes et tous à la vie sociale, culturelle, économique et politique.

Ces missions prennent un relief particulier dans un contexte où certaines mesures gouvernementales risquent d’impacter profondément les publics que nous accompagnons. Notre rôle est de rester attentifs, d’informer et de nourrir la réflexion collective, dans une société démocratique où les principes de justice sociale, de respect des droits fondamentaux et de cohésion sociale doivent continuer de guider l’action publique.

Pour conclure nous attendons que l’intégration, pour qu’elle ait du sens, soit un processus à double sens: une ouverture de la société d’accueil autant qu’un engagement des personnes étrangères. Mais aujourd’hui, on assiste à une inversion du sens: l’intégration est utilisée pour surveiller, contrôler, expulser.

Résister, informer, soutenir! Ensemble.

Photo Canva.com
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Nos plateformes, nos outils pédagogiques, les formations et les initiatives de terrain que nous soutenons, sont autant de leviers pour renforcer la compréhension mutuelle, favoriser l’autonomie, et construire des ponts plutôt que des murs.

Agir avec et pour les publics étrangers, c’est aussi veiller à ce qu’aucune politique ne vienne invisibiliser, fragiliser ou stigmatiser davantage des personnes déjà vulnérables.

Dans ce climat, il est urgent de:

  • Déconstruire les discours sécuritaires qui criminalisent la migration.
  • Informer largement sur les réalités vécues par les personnes étrangères.
  • Soutenir les structures de solidarité, les associations de terrain, les collectifs de sans-papiers.
  • Plaider pour une autre vision de la société, basée sur l’accueil, l’égalité et la dignité humaine.

Les plateformes citoyennes «Agir ensemble» et «Lutte contre la pauvreté», auxquelles le CRI Centre & Wapi prend activement part, sont ouvertes à toute personne ou structure désireuse de résister, informer et soutenir face aux reculs sociaux et démocratiques en cours. Sur des thématiques variées, elles construisent des dynamiques collectives de terrain, portées par la solidarité, l’indignation et l’action. À travers les témoignages d’acteurs engagés de la PF de lutte contre la pauvreté, ce blog propose un éclairage local et déterminé face aux logiques de démantèlement social imposées par le gouvernement Arizona. Parce qu’il est plus que jamais urgent de dénoncer ce qui est à l’œuvre, mais surtout de se rassembler.

Un travail d’investigation complémentaire est à retrouver dans le reportage d’Antenne Centre sur la soirée «Welcome to Arizona – la machine à broyer est déjà en action» du 26 juin dernier, qui met en lumière plusieurs mesures déjà appliquées ou en passe de l’être par le gouvernement: voir le reportage «La Louvière face au gouvernement Arizona: la solidarité s’organise» (Antenne Centre).

Juste un petit mot encore… pour souligner l’importance de la convergence des luttes. Comme le rappelle Freddy Bouchez, Isabel Gonzalez et Jean-Paul Foki, tous les trois membres de la plateforme «Lutte contre la pauvreté», rejoignons les rangs de la résistance!

Save the date: 18 septembre – une journée importante où sera annoncée la nouvelle appellation de la Plateforme, reflet d’un changement stratégique à venir, en réponse aux enjeux actuels.

Témoignages

Prochainement sur notre chaîne YouTube, sur Facebook et LinkedIn, le témoignage des membres de la plateforme louviéroise de lutte contre la pauvreté:

  • Isabel González Borrero: animatrice Permanente Ciep Hainaut Centre, coordinatrice de la Plateforme louviéroise de lutte contre la pauvreté.
  • Freddy Bouchez: Marche des Migrants de la région du Centre.
  • Jean-Paul Foki: Permanent au CIEP-MOC Hainaut Centre, coordinateur de la zone de droits du Hainaut Centre.